mardi 29 mars 2011

Leo Steinberg (1920-2011)


L’on apprend la mort de Leo Steinberg.


« […] avec l'idée du "flatbed" ('lit à plat") contenue dans l'un des articles (“The flatbed picture plane”) de ce livre fondamental : Other Criteria (1972) […] Steinberg analyse la nouvelle horizontalité comme plan pictural où des "choses", qu'il s'agisse de peinture avec Pollock mais surtout d'empreintes, d'objets... avec Rauschenberg et Dubuffet, vont constituer le tableau en un plan opaque, contraire à la simulation d'un champ de formes vertical. Steinberg retourne, en quelque sorte, le tableau en table tout en avertissant qu'il parle surtout d'“images psychiques” – mais il augure également d'un “changement radical de sujet”, une rupture avec l'art depuis la Renaissance, qui passe selon lui de la nature à la culture […] Ce qui est intéressant avec Steinberg, un critique à part, c'est précisément cette position marginale qu'il a occupée par rapport au dogme Greenbergien (qui lui valut d'être ultérieurement publié par October) mais également par rapport au formalisme de l'histoire de l'art. Il est passé du contemporain à la Renaissance (dernières œuvres de Michel Ange, Borromini, Lippi...) au “retour de Rodin” (chez Macula), repassant par ce morceau de bravoure qu'est La sexualité du Christ dans l'art de la Renaissance et son refoulement moderne (Gallimard) […] Steinberg a beaucoup écrit sur Picasso (et la sexualité), sur Jasper Johns, mais on retiendra aussi ce texte mémorable : Contemporary art in plight of its public, qui concerne le risque dans l'art contemporain et l'angoisse nécessaire qu'il provoque sur le public... »

Elisabeth Lebovici



Leo Steinberg, Other CriteriaI, University Of Chicago Press.


“Leo Steinberg’s classic Other Criteria comprises eighteen essays on topics ranging from “Contemporary Art and the Plight of Its Public” and the “flatbed picture plane” to reflections on Picasso, Rauschenberg, Rodin, de Kooning, Pollock, Guston, and Jasper Johns. The latter, which Francine du Plessix Gray called “a tour de force of critical method,” is widely regarded as the most eye-opening analysis of the Johns’s work ever written.”


Leo Steinberg, Le retour de Rodin, éditions Macula.


« Avec Steinberg, le retour que Rodin effectue dans le giron de la modernité est définitif. Oubliez les marbres, commence-t-il par dire : la plupart ne sont même pas de la main du sculpteur mais taillés par des artisans à sa solde, certains même sont posthumes. Laissez de côté la production sentimentale de Rodin entrepreneur, la partie visible et commerciale de l’iceberg, et regardez le sculpteur au travail. Fragmentation et multiplication, combinaison et inversion, distorsion et déplacement : Rodin est un structuraliste avant la lettre, décomposant et recomposant les membra disjecta du corps humain comme autant d’éléments propres au langage de la sculpture. De ce que l’on considérait jusqu’alors comme le point terminal et grandiose de l’histoire de la sculpture du dix-neuvième siècle, Steinberg fait ce qui ouvre celle de notre temps : Rodin redevient notre contemporain. »


Leo Steinberg, La Sexualité du Christ dans l'art de la Renaissance et son refoulement moderne, édition Gallimard.


« La Sexualité du Christ dans l'art de la Renaissance et son refoulement moderne fait désormais partie des grands textes de l'histoire de l'art. Leo Steinberg, à travers une écriture lumineuse d'intelligence, démontre lentement que cette "sexualisation" du Christ participe surtout d'une nouvelle réflexion sur le thème de l'incarnation. En élaborant des images impudiques (sexe proéminent, attouchement divers, gestes ambigus), les artistes s'attachent à démontrer que Dieu s'est bien fait homme. Il en a épousé à la fois toutes les contraintes mais aussi tous les attributs. Non dénué d'humour, ce livre essentiel multiplie les exemples qui nous dévoilent un versant inédit de la culture de la Renaissance. »

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