dimanche 1 novembre 2009

Odilon Redon








Odilon Redon, Les Origines. II y eut peut-être une vision première essayée dans la fleur, 1883, lithographie, 22,3 x 17,2 cm.


« La morphogenèse […] relie aussi l'homme et la plante, transcendant, comme le rocher-tête, la barrière entre les règnes. Redon a décliné avec prédilection ce motif de la plante humanisée, dont les modèles ludiques et caricaturaux, chez Grandville en particulier, ne diminuent en rien la portée philosophique et scientifique. La fameuse lithographie II y eut peut-être une vision première essayée dans la fleur, incluse en 1883 dans l'album Les Origines, en propose une version particulièrement saisissante et explicite : l'œil, organe du sens de la vue qui, pour Redon, est le sens le plus élevé et permet de « saisir spontanément les rapports des choses » (Redon, A soi-même) est déjà en germe dans les débuts de la vie sous sa forme végétale. Le recours artistique à un travail par couches superposées et à l'image multiple, condense plante, œil et tête de cyclope grâce à leurs analogies formelles, permet de visualiser sous forme instantanée un processus temporel et évolutif vertigineux […] il s’agissait dans les termes de Redon, de « cette vie intermédiaire entre l'animalité et la plante, cette fleur ou cet être, ce mystérieux élément qui est animal durant quelques heures du jour et seulement sous l'action de la lumière » (Ibid.) […] On comprend mieux cette identification en observant que Redon qualifie souvent la nature végétale d’“inconsciente” : plus encore qu'aux fonctions physiologiques involontaires et à ce qu'on appellera le système neurovégétatif, le monde végétal correspond pour lui aux processus psychiques inconscients sur lesquels repose l'activité créatrice […] L'attirance éprouvée par Redon pour la position liminale et ambiguë de la “fleur presqu'animale” correspond ainsi à l'oscillation entre “soumission docile à l'inconscient” et maîtrise consciente qu'exigeait à ses yeux la création de l'œuvre d'art. »
Dario Gamboni, “Odilon Redon et la ‘nature naturante’”, Odilon Redon. Le ciel. La terre. La mer, RMN, Musée Léon Dier, 2007, pp. 120 et 122.
Odilon Redon, Vision sous-marine, avant 1900, pastel, 65,8 x 54 cm, Paris, Musée d’Orsay.

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