« Sandro Botticelli consacra dix ans de sa vie à préparer l'illustration de La Divine Comédie. Travail intense, exclusif, qui fut pour lui la cause, selon Vasari, d'“infinis désordres” : c'est-à-dire de tous les tourments de la pauvreté... Ouvrage inachevé, énigmatique : l'auteur ne s'expliqua jamais sur le rapport de ces dessins avec le reste de son œuvre, ni sur le sens artistique et religieux qu'il leur attribuait, ni sur leur destination concrète...
Un mystère subsiste en effet autour de ces images. Quelle était leur destination ? Un manuscrit de luxe, enluminé comme avant l'invention de l'imprimerie ? On en fabriquait volontiers, dans les parages des princes ; et sur le revers des feuilles du parchemin de Botticelli un copiste connu a calligraphié le poème. […]
Peu connus, somme toute, les quatre-vingt-douze dessins qui nous sont parvenus (conservés, mais non exposés, au musée de Berlin et à la bibliothèque Vaticane) occupent pourtant une place centrale dans l'œuvre du peintre : on ne pourrait saisir sans eux l'essence du génie botticellien :
« II est impossible de le comprendre sans une étude exhaustive de ces dessins, où son art trouve tout entier à s'employer, écrit Herbert Horne. Botticelli impressionne ici plus qu'ailleurs par l'originalité de l'invention, la vérité de l'expression dramatique et par ses dons de visionnaire, son pouvoir de rendre le visible expressif de l'invisible, de sorte que l'œil comprend plus qu'il ne voit. »
Mais ils se révèlent, ces dessins, de façon inattendue, tout aussi centraux pour la compréhension du poème de Dante. Le travail approfondi de l'artiste sur l'ensemble du texte de la Comédie leur donne une ampleur, une cohérence, une précision, un sens du merveilleux qui n'avaient jamais été atteints par les autres illustrateurs. Dans sa conception même, l'illustration botticellienne se révèle révolutionnaire par rapport à toutes celles qui l'ont précédée, et suivie. Elle est, en effet, programmatiquement totale. C'est chaque chant qui est illustré, et chaque détail de chaque chant. Et l'ensemble frappe à la fois par son inventive beauté et par l'extrême fidélité à l'esprit et à la lettre du poème. »
extrait de Jacqueline Risset, “De Botticelli à Dante”, p. 12.
«[…] Sandro Botticelli entreprit deux fois d'illustrer la Commedia : une première fois pour l'édition florentine Landino, publiée en 1481 chez Lorenzo délia Magna, accompagnée d'un commentaire de l'érudit néoplatonicien florentin Cristoforo Landino, et pour laquelle étaient prévues cent gravures ; une seconde pour le manuscrit dont les illustrations sont reproduites ici.
Lorsque Botticelli se consacre à cette tâche, il existe une tradition déjà ancienne, vieille d'un siècle et demi, de l'iconographie de Dante. L'apparence et les vêtements du personnage de Dante suivent l'iconographie traditionnelle suscitée par les fresques de la chapelle du Palazzo Vecchio dues à Giotto et qui se prolongera, en peinture monumentale, avec la série des Uomini famosi (Offices) par Andréa del Castagno et le “portrait” de Dante par Domenico di Michelino, ainsi que dans l'enluminure. Il n'existe, en revanche, aucune semblable tradition en ce qui concerne Virgile. Botticelli le représente vêtu d'un manteau bleu ou violet, porté sur une robe bleue. Son bonnet, sorte de pileus romain, présente une lointaine ressemblance avec celui de l'empereur grec Jean VIII Paléologue, de passage à Florence en 1439, et avec la coiffure attribuée à Aristote dans des illustrations de 1500 environ.
L'illustration dantesque connaît également une tradition remontant à un siècle et demi, et au moins à 1337. Les enluminures des manuscrits représentaient tout ce qui pouvait être relaté par l'image : l'intrigue proprement dite, c'est-à-dire le périple de Dante avec Virgile puis Béatrice, les allégories, les rêves ou les interprétations de Dante sur ce qu'il rencontre au cours de son périple, parfois aussi la représentation générale de l’Enfer et du Purgatoire. […] »
extrait de Peter Dreyer, “Histoire du manuscrit”, p. 29.
Dante Alighieri, La divine comédie, illustrations de Sandro Botticelli, traduction de Jacqueline Risset, éd. Diane de Selliers, 2008.
Un mystère subsiste en effet autour de ces images. Quelle était leur destination ? Un manuscrit de luxe, enluminé comme avant l'invention de l'imprimerie ? On en fabriquait volontiers, dans les parages des princes ; et sur le revers des feuilles du parchemin de Botticelli un copiste connu a calligraphié le poème. […]
Peu connus, somme toute, les quatre-vingt-douze dessins qui nous sont parvenus (conservés, mais non exposés, au musée de Berlin et à la bibliothèque Vaticane) occupent pourtant une place centrale dans l'œuvre du peintre : on ne pourrait saisir sans eux l'essence du génie botticellien :
« II est impossible de le comprendre sans une étude exhaustive de ces dessins, où son art trouve tout entier à s'employer, écrit Herbert Horne. Botticelli impressionne ici plus qu'ailleurs par l'originalité de l'invention, la vérité de l'expression dramatique et par ses dons de visionnaire, son pouvoir de rendre le visible expressif de l'invisible, de sorte que l'œil comprend plus qu'il ne voit. »
Mais ils se révèlent, ces dessins, de façon inattendue, tout aussi centraux pour la compréhension du poème de Dante. Le travail approfondi de l'artiste sur l'ensemble du texte de la Comédie leur donne une ampleur, une cohérence, une précision, un sens du merveilleux qui n'avaient jamais été atteints par les autres illustrateurs. Dans sa conception même, l'illustration botticellienne se révèle révolutionnaire par rapport à toutes celles qui l'ont précédée, et suivie. Elle est, en effet, programmatiquement totale. C'est chaque chant qui est illustré, et chaque détail de chaque chant. Et l'ensemble frappe à la fois par son inventive beauté et par l'extrême fidélité à l'esprit et à la lettre du poème. »
extrait de Jacqueline Risset, “De Botticelli à Dante”, p. 12.
«[…] Sandro Botticelli entreprit deux fois d'illustrer la Commedia : une première fois pour l'édition florentine Landino, publiée en 1481 chez Lorenzo délia Magna, accompagnée d'un commentaire de l'érudit néoplatonicien florentin Cristoforo Landino, et pour laquelle étaient prévues cent gravures ; une seconde pour le manuscrit dont les illustrations sont reproduites ici.
Lorsque Botticelli se consacre à cette tâche, il existe une tradition déjà ancienne, vieille d'un siècle et demi, de l'iconographie de Dante. L'apparence et les vêtements du personnage de Dante suivent l'iconographie traditionnelle suscitée par les fresques de la chapelle du Palazzo Vecchio dues à Giotto et qui se prolongera, en peinture monumentale, avec la série des Uomini famosi (Offices) par Andréa del Castagno et le “portrait” de Dante par Domenico di Michelino, ainsi que dans l'enluminure. Il n'existe, en revanche, aucune semblable tradition en ce qui concerne Virgile. Botticelli le représente vêtu d'un manteau bleu ou violet, porté sur une robe bleue. Son bonnet, sorte de pileus romain, présente une lointaine ressemblance avec celui de l'empereur grec Jean VIII Paléologue, de passage à Florence en 1439, et avec la coiffure attribuée à Aristote dans des illustrations de 1500 environ.
L'illustration dantesque connaît également une tradition remontant à un siècle et demi, et au moins à 1337. Les enluminures des manuscrits représentaient tout ce qui pouvait être relaté par l'image : l'intrigue proprement dite, c'est-à-dire le périple de Dante avec Virgile puis Béatrice, les allégories, les rêves ou les interprétations de Dante sur ce qu'il rencontre au cours de son périple, parfois aussi la représentation générale de l’Enfer et du Purgatoire. […] »
extrait de Peter Dreyer, “Histoire du manuscrit”, p. 29.
Dante Alighieri, La divine comédie, illustrations de Sandro Botticelli, traduction de Jacqueline Risset, éd. Diane de Selliers, 2008.
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