Jan Voss, Sans titre, 1978, 190 x 280 cm.
« Le fil qu'Ariane tient pour Thésée tandis qu'il avance dans le labyrinthe, les cailloux que le petit Poucet sème sur sa route pour pouvoir ensuite la retrouver, les phares et les balises qui préviennent les navires des écueils ou des hauts-fonds et les amers que les marins se fixent sur les rivages, les empreintes des animaux que les chasseurs relèvent, les signaux de fumée des Indiens, les messages transportés par les pigeons voyageurs, les réseaux d'indices par lesquels se résolvent les intrigues des romans policiers – j'ai toujours pensé qu'il y avait dans la peinture de tels systèmes de communication, mais non pas tant entre le regardeur et le tableau qu'entre les parties du tableau lui-même, et selon des règles secrètes et vivantes que l'achèvement tend à dissimuler. La peinture de Jan Voss, qu'on la considère dans son ensemble ou séparément, feuille à feuille, donne plus qu'aucune autre la sensation d'une connivence interne. Système d'échos et de renvois, de rappels à l'infini qui en fait un art de la mémoire et qui transforme cet art de la mémoire dénué de toute rhétorique en forêt bruissante : espace d'un jeu de pistes dans lequel l'effacement des flèches fait partie du travail qui les dispose.
Ainsi disposée devant nous, et comme retirée provisoirement dans les mailles serrées de son réseau, l'œuvre de Jan Voss se déploie comme si elle était d'abord la mémoire d'elle-même, d'une part refaisant sans cesse le geste du commencement, d'autre part revenant sans fin sur ses propres traces et ceci aucunement au sens figuré, mais littéralement, puisque la plupart des œuvres sont composées de fragments et de signes divers, certains réalisés plusieurs mois voire plusieurs années auparavant. L'atelier de Jan Voss est comme une jonchée. La peinture, au sol, en morceaux, attend l'heure de la relève verticale, de la sélection qui exposera ensemble des passages discontinus.
Jan Voss, Sans titre, 1987, 120 x 80 cm.
Ainsi disposée devant nous, et comme retirée provisoirement dans les mailles serrées de son réseau, l'œuvre de Jan Voss se déploie comme si elle était d'abord la mémoire d'elle-même, d'une part refaisant sans cesse le geste du commencement, d'autre part revenant sans fin sur ses propres traces et ceci aucunement au sens figuré, mais littéralement, puisque la plupart des œuvres sont composées de fragments et de signes divers, certains réalisés plusieurs mois voire plusieurs années auparavant. L'atelier de Jan Voss est comme une jonchée. La peinture, au sol, en morceaux, attend l'heure de la relève verticale, de la sélection qui exposera ensemble des passages discontinus.
Jan Voss, Sans titre, 1987, 120 x 80 cm.
[…] souvenons-nous : des sortes de graffitis apposés en séries en vinrent à se désigner plus fermement comme figures au sein de petites séquences narratives en forme de rébus. Puis ces figures perdirent poids et substance jusqu'à devenir des lignes, puis ces lignes pâlies de couleurs s'en allèrent au fil d'une aventure qui les fit trembler si fort qu'elles se remirent à former des formes, rencontrant en chemin des traces, des taches et des signes, le tout finissant par se rencontrer et s'emboutir jusqu'à sortir de la surface du tableau. Or tout est là toujours : les graffitis, les rébus, les lignes et les éclats, et de telle façon que la peinture “abstraite” de Jan Voss est aussi, et seule à l'être ainsi, narrative.
[…] Cet espace additif, cet espace qui agrège et qui coud ne cesse jamais de narrer, comme autrefois, quand il y avait des figures, et ce qu'il raconte, à travers graffitis, décollages, coloriages, plis, déchirures et froissements, c'est comme l'histoire du narrer lui-même, comme un éloge de la trace dans lequel les correspondances libérées produisent pourtant des sortes d'effets de nature, mais inventés […]
Jan Voss, Lieux-dit VII (gris anthracite), 210 x 157 x 26 cm.
[…] Cet espace additif, cet espace qui agrège et qui coud ne cesse jamais de narrer, comme autrefois, quand il y avait des figures, et ce qu'il raconte, à travers graffitis, décollages, coloriages, plis, déchirures et froissements, c'est comme l'histoire du narrer lui-même, comme un éloge de la trace dans lequel les correspondances libérées produisent pourtant des sortes d'effets de nature, mais inventés […]
Jan Voss, Lieux-dit VII (gris anthracite), 210 x 157 x 26 cm.
Dans la mesure même où cet éloge de la trace est suspendu dramatiquement au-dessus d'un vide qu'il ne comble qu'en puisant dans la jonchée, il se soutient d'une posture toujours ambivalente envers l'image. Si ce n'est pas tant l'image (ici, dans ce cas) qui compte, mais si c'est le mouvement qui la fait et la défait, il devient alors fatal que l'artiste finisse par s'en prendre, sans rage mais logiquement, au support lui-même qui, même vierge et blanc, suggère déjà l'icône. Ainsi sont apparues ces peintures en relief dans lesquelles l'énergie accumulée force la limite de la surface et ceci de deux manières : sur les bords et dans le plan du tableau. […] »
Extraits de Jean-Christophe Bailly, “Jan Voss ou la crue des signes”, in Jan Voss, Repères, Cahiers d’art contemporain n° 61, Paris, Galerie Lelong, 1989.
Extraits de Jean-Christophe Bailly, “Jan Voss ou la crue des signes”, in Jan Voss, Repères, Cahiers d’art contemporain n° 61, Paris, Galerie Lelong, 1989.
Très intéressant. Il va y avoir une expositon à l'hotel des arts de Toulon (Var) à partir du 31 janvier 2010
RépondreSupprimer