samedi 10 juin 2017

RANCIÈRE, « entre art et politique »

RANCIÈRE, « entre art et politique »
Par Robert Maggiori
— 31 mai 2017
« […] Les terrains où politique et esthétique se chevauchent ont déjà été cultivés par le passé, notamment par Adorno ou Benjamin. Mais Rancière ne situe les rapports entre art et politique ni dans l’esthétisation de la politique, ou sa transformation en spectacle de la gestion et de la « communication » des pouvoirs, ni dans la politisation de l’art, mais dans ce que les deux domaines « partagent », à savoir le statut de la visibilité. Si esthétique et politique forcément s’embrassent, c’est que le même « geste » les définissent, qui est celui d’organiser l’espace de la perception de façon telle que ce qui n’était pas visible soudain le devienne. On le conçoit pour l’œuvre d’art, qui, si elle est « grande », invente des langages (musicaux, picturaux, littéraires…) pour lesquels il n’y a pas encore de dictionnaires, et « montre » qu’il y a là quelque chose qui était encore inaperçu ou inouï. Mais il en va de même pour la politique, qui partage l’espace du collectif, réorganise le temps de l’action, crée d’autres mondes communs et rend « visibles » les capacités des sujets qui les habitent. […] »

Jacques Rancière, En quel temps vivons-nous ? Conversation avec Éric Hazan, La Fabrique, 80 pp.