RANCIÈRE, « entre
art et politique »
Par Robert Maggiori
— 31 mai 2017
« […] Les
terrains où politique et esthétique se chevauchent ont déjà été cultivés par le
passé, notamment par Adorno ou Benjamin. Mais Rancière ne situe les rapports
entre art et politique ni dans l’esthétisation de la politique, ou sa
transformation en spectacle de la gestion et de la « communication »
des pouvoirs, ni dans la politisation de l’art, mais dans ce que les deux
domaines « partagent », à savoir le statut de la visibilité. Si
esthétique et politique forcément s’embrassent, c’est que le même « geste »
les définissent, qui est celui d’organiser l’espace de la perception de
façon telle que ce qui n’était pas visible soudain le devienne. On le conçoit
pour l’œuvre d’art, qui, si elle est « grande », invente des langages
(musicaux, picturaux, littéraires…) pour lesquels il n’y a pas encore de
dictionnaires, et « montre » qu’il y a là quelque chose qui était
encore inaperçu ou inouï. Mais il en va de même pour la politique, qui
partage l’espace du collectif, réorganise le temps de l’action, crée d’autres
mondes communs et rend « visibles » les capacités des sujets qui les
habitent. […] »
Jacques Rancière, En quel temps vivons-nous ? Conversation
avec Éric Hazan, La Fabrique, 80 pp.
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