samedi 13 mars 2021

André Leroi - Gourhan et l'esthétique

Vient de paraître :

La Part de l’Œil  n° 35-36 - 2021/2022 : Dossier : André Leroi - Gourhan et l'esthétique. Art et anthropologie

448 pages ; format 21 x 29,7 cm ; 139 ill. couleur et n./b.

ISBN : 978-2-930174-54-9

Prix de souscription TTC : 34,00€ ; Diffusion et distribution : Pollen Diffusion



Présentation

Pionnier de l’ethnologie préhistorique, André Leroi-Gourhan (1911-1986) est l’auteur d’une œuvre foisonnante qui s’est attachée à explorer les multiples facettes de l’Homme et à renouveler le champ des sciences humaines au XXe siècle, singulièrement le champ des études sur l’art paléolithique. Dès ses premiers travaux, il consacre une place prépondérante à l’art et à l’esthétique lors de ses voyages au Japon et en Asie comme en témoigne ses Pages oubliées sur le Japon auxquelles Jean-Christophe Bailly consacre son article.

Comme le montre Philippe Soulier, Leroi-Gourhan n’a cessé, tout au long de son parcours intellectuel, de discuter les principes de l’histoire de l’art pour les intégrer progressivement dans une approche globale et scientifique soucieuse d’établir la part entre les faits et les interprétations. Jusqu’à ses derniers cours au Collège de France, il met à l’épreuve les analyses et les méthodes qu’il a développées tout au long de son parcours dont les deux tomes de l’Évolution et techniques et Le Geste et la Parole constituent aujourd’hui encore des synthèses stimulantes pour les chercheurs. Etudiant l’évolution de l’homo sapiens, tant sur le plan des transformations morphologiques que des inventions techniques, l’œuvre de Leroi-Gourhan accorde à la vie et aux domaines de l’esthétique une attention constante, montrant le caractère indissociable des différentes activités humaines. Marc Groenen revient ainsi sur la place de l’esthétique dans l’anthropologie de Leroi-Gourhan, tandis que Michel Guérin prolonge et poursuit sa réflexion sur le geste. Certains articles explorent les problèmes que l’art pariétal et préhistorique continue de poser à nos regards contemporains au-delà du cercle restreint des spécialistes comme en témoignent, parmi d’autres, les textes de Philippe Grosos, Ségolène Lepiller, Rémi Labrusse, Renaud Ego...

Plus qu’un hommage à André Leroi-Gourhan, le présent volume a pour objectif de montrer en quoi les intuitions, les méthodes et les concepts qui ponctuent sa pensée peuvent, aujourd’hui encore, guider la compréhension des phénomènes esthétiques et techniques, l’analyse des œuvres et la fonction symbolique de l’art. Outre la réédition de deux textes difficilement trouvables de Leroi-Gourhan, le volume est composé, dans une première partie, d’articles qui traitent explicitement un aspect de son œuvre, en le prolongeant parfois ou en le confrontant à d’autres auteurs. Viennent s’y ajouter ensuite une série de textes qui permettent d’élargir l’horizon des questions dont l’œuvre de Leroi-Gourhan hérite ou qu’elle partage au sein de son époque. Enfin, le volume comporte également l’intervention de trois artistes à qui nous avons ouvert nos pages.

 
Sommaire

  • Dirk Dehouck : Liminaire – du symbolique à l’esthétique
  • André Leroi-Gourhan : La vie esthétique et les domaines de l’esthétique
  • Philippe Soulier : Une anthropologie de l’esthétique chez Leroi-Gourhan
  • Pierre Sauvanet : La part des rythmes chez André Leroi-Gourhan
  • Marc Groenen : La place de l'esthétique dans l'anthropologie d'André Leroi-Gourhan
  • Jean-Christophe Bailly : Le Chatoiement du sens. André Leroi-Gourhan au Japon
  • Bruno Goosse : Atmosphère protectrice
  • Ségolène Lepiller : André Leroi-Gourhan et l’art paléolithique : un “moment sciences humaines” en préhistoire ?
  • Muriel van Vliet : La morphologie selon André Leroi-Gourhan
  • Michel Guérin : Les gestes actés – la fonction de poser
  • Chakè Matossian : Le goût des pierres
  • Élise Lamy-Rested : Vie technique et techniques de sur-vie. L’homme dé-formé par la technique
  • Amélie Bonnet Balazut : Une esthétique de la vie
  • Jorge Léon & Caroline Lamarche : Incandescences : retours vers notre futur
  • Maria Stavrinaki : Stupeur : commencement et fin de l’histoire. De Pasolini à Leroi-Gourhan, c. 1950-1960
  • Philippe Grosos : Participation et présence. Réflexions à propos de l’art paléo- et néolithique
  • Rémi Labrusse : Politique et poétique de la préhistoire. Traces sur le chemin de Max Raphael
  • Léa Falguère & Ârash Aminian Tabrizi  : Dessins – Entre ici et là, la ressouvenance
  • Léa Falguère : “Corps interprétants”. La métaphore corporelle comme approche de la peinture
  • Renaud Ego : Soutenir le regard de la peinture
  • Hélène Ivanoff : Polysémie et expographie d’une collection. Les copies d’art préhistorique de l’Institut Frobenius de Francfort-sur-le-Main
  • Matthew Vollgraff - L’arc de l’histoire. De l’anthropologie diffusionniste à la morphologie des cultures
  • Anne Boissière : Le corps scénique ou la condition théâtrale du corps joueur
  • Helmuth Plessner : De l’anthropologie du comédien

jeudi 11 mars 2021

Etienne Balibar : « Le conflit fait partie des lieux du savoir »

« il faut s’avancer vers le point de trouble dans l’identité où chaque sujet se loge tant bien que mal avec sa “différenceˮ »

Etienne Balibar, Philosophe

Libération, le 9 mars 2021 à 6h48

« […] il y a ceci que le savoir n’est pas sans sujet(s). Ceci n’est pas un défaut de la connaissance scientifique, c’est sa condition de possibilité, en tout cas dans toutes les sciences qui ont une dimension anthropologique (et peut-être dans d’autres). Pour connaître il faut «s’avancer» subjectivement dans le champ où on se trouve déjà situé, avec tout le bagage des caractères (comme disait Kant) qui nous font «ce que nous sommes» (par construction historique et sociale, bien évidemment), car il n’y a pas de subjectivité «transcendantale». Mieux, il faut s’avancer vers le point de trouble dans l’identité où chaque sujet se loge tant bien que mal avec sa «différence», qu’il s’agisse de masculinité et de féminité (ou d’autre «sexe» encore), de blanchité et de noirceur (ou de quelque autre «couleur»), de compétence et d’incompétence intellectuelle, de croyance ou d’incroyance «religieuse», pour en faire un analyseur des effets de société qui nous enferment, nous orientent et nous repoussent. Car si nul(le) ne peut absolument choisir sa place dans la cité, en raison même des rapports de domination qui la traversent, aucune place n’est pourtant assignable une fois pour toutes. Faire ainsi de la différence anthropologique vécue et reconnue et de son incertitude propre l’instrument de dissection du corps politique que nous sommes collectivement, et faire de l’analyse des mécanismes qui la produisent et la reproduisent le moyen d’en relativiser les effets normatifs, ce n’est peut-être pas la voie royale de la science, mais c’en est certainement un passage obligé. On pense ici à ce que Sandra Harding appelle «l’objectivité forte», incluant la connaissance de son propre sujet. C’est dire à quel point les positivismes font fausse route. […] »