vendredi 10 juillet 2020

« Les sciences sociales sont en danger à l’échelle internationale » 1.


« Les sciences sociales sont en danger à l’échelle internationale » 1.
Jean-François Bayart Politologue
Le Monde 09/07/2020
Atteintes à la liberté scientifique en Iran, Turquie, Israël, Russie, Chine, Egypte, Europe, aux Emirats arabes unis, aux Etats-Unis

La confirmation en appel, le 30 juin, par un tribunal de Téhéran, de la condamnation à cinq ans de prison de l’anthropologue Fariba Adelkhah confirme que le métier de chercheur en sciences sociales est devenu à haut risque. Une dizaine d’universitaires occidentaux ont été ainsi pris en otages par la République islamique.
Cette dernière n’est pas la seule à se livrer à ce genre de pratiques. La Turquie, les Emirats arabes unis, Israël, la Russie, la Chine portent de plus en plus ouvertement atteinte à la liberté scientifique internationale. L’Egypte est allée jusqu’à tuer dans des conditions atroces un doctorant italien de l’université de Cambridge, Giulio Regeni, en 2016. Les Etats-Unis arrêtent eux aussi des chercheurs étrangers sur la base d’accusations souvent arbitraires, dans le cadre de leur politique de sanctions urbi et orbi ou au nom du Patriot Act.
S’y ajoutent les nombreux refus de visa, auxquels s’adonnent également les Etats européens au nom de la lutte contre l’immigration, rendant infernale la vie professionnelle de nos collègues d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine ou du Moyen-Orient. On ne parle pas suffisamment de cet aspect de l’inégalité du système international au détriment des pays du Sud, qui accroît leur dépendance sur le long terme. Sans accès équitable à la science, pas de réel développement envisageable.
Jean-François Bayart est professeur d’anthropologie et de sociologie à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID, Genève). Il est coordinateur du comité de soutien à Fariba Adelkhah.

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