« Les
sciences sociales sont en danger à l’échelle internationale » 1.
Jean-François Bayart Politologue
Le Monde
09/07/2020
Atteintes à la liberté scientifique en Iran, Turquie, Israël, Russie, Chine,
Egypte, Europe, aux Emirats arabes unis, aux Etats-Unis
La confirmation en appel, le
30 juin, par un tribunal de Téhéran, de la condamnation à cinq ans de
prison de l’anthropologue Fariba Adelkhah confirme que le métier de chercheur
en sciences sociales est devenu à haut risque. Une dizaine d’universitaires occidentaux
ont été ainsi pris en otages par la République islamique.
Cette dernière n’est pas la seule à
se livrer à ce genre de pratiques. La Turquie, les Emirats arabes unis, Israël,
la Russie, la Chine portent de plus en plus ouvertement atteinte à la liberté
scientifique internationale. L’Egypte est allée jusqu’à tuer dans des
conditions atroces un doctorant italien de l’université de Cambridge, Giulio
Regeni, en 2016. Les Etats-Unis arrêtent eux aussi des chercheurs
étrangers sur la base d’accusations souvent arbitraires, dans le cadre de leur
politique de sanctions urbi et orbi ou au nom du Patriot Act.
S’y ajoutent les nombreux refus de
visa, auxquels s’adonnent également les Etats européens au nom de la lutte
contre l’immigration, rendant infernale la vie professionnelle de nos collègues
d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine ou du Moyen-Orient. On ne parle pas
suffisamment de cet aspect de l’inégalité du système international au détriment
des pays du Sud, qui accroît leur dépendance sur le long terme. Sans accès
équitable à la science, pas de réel développement envisageable.
Jean-François
Bayart est professeur d’anthropologie et de sociologie à l’Institut de
hautes études internationales et du développement (IHEID, Genève). Il est
coordinateur du comité de soutien à Fariba Adelkhah.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire