“L'avenir de la recherche artistique”
Synthèse subjective de l’intervention de Michael Schwab
à l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles le 17 décembre 2009.
Serait-il possible en Communauté française d’économiser dix ans de vaines tergiversations autour de la définition de la recherche artistique en tirant les conclusions des errements observés dans les pays voisins ?
Michael Schwab expose la sorte de “double contrainte”, de cercle vicieux, dans lequel les définitions existantes se trouvent prises : le texte accompagnant la recherche artistique est présenté comme second, mais néanmoins, la recherche artistique n’est considérée comme ”recherche” qu’en fonction de ce texte que l’on porte garant d’apporter la preuve de la réflexion critique mise en œuvre dans le travail plastique. Il est stupéfiant de voir Schwab exhiber un extrait de la République qui déjà partage ainsi les rôles entre l’art, qui doit prouver son utilité pour la cité, et des défenseurs, qui ne sont pas les artistes, à qui Socrate demande de défendre la cause de l’art. Il s’agit donc de sortir de cette façon de poser le rapport de l’art et de la théorie. « Etre rejetée du domaine du savoir est la réalité historique de l'art, qui trouve un écho dans la distinction entre “théorie” et “pratique”. »
Pour surmonter l’opposition pratique/théorie, Michael Schwab propose de partir de la notion derridienne de “supplément”[1]. Concrètement, pour la recherche artistique, il appelle à « rendre la supplémentation de la pratique par la théorie explicite au travers des moyens de la déconstruction et [à] s'approprier la supplémentation dans et en tant que pratique ». Ce centre, cette référence manquante rendent caduque toute idée d’identité donc également d’identité en termes d’art. Or « l’art, en son originalité et son autonomie, nous confronte avec une remise en question d’une conception établie de l’art ». De même, par définition la recherche « doit être originale », ce qui implique qu’elle aussi, comme pratique, « est non identifiée ».
D’où Michael Schwab peut conclure que, par certains de ses aspects, l’art « résiste à la production de sa propre identité », et que « la recherche artistique est l'une des voies selon lesquelles les formes dominantes de savoir sont mises en cause », celles « qui allie[nt] si commodément savoir et pouvoir au travers des structures de l'identité », « une mise en cause qui ne peut être soutenue que si la recherche artistique ne se trouve pas absorbée dans l'art et [qu’elle (la recherche artistique)] devienne l’autre de la connaissance identifiée ». Cette « pensée émerge de la déconstruction, bien qu’étant pratique, elle […] est une pratique du savoir soustraite à l'identification théorique ».
Lucien Massaert
[1] Pour Derrida, « le concept de supplément […] abrite en lui deux significations dont la cohabitation est aussi étrange que nécessaire » : le supplément est à la fois ce qui “s’ajoute” (un “surplus”) et ce qui “supplée”, remplace, “comble un vide”, vient “à-la-place-de” ce qui fait “défaut”. (Jacques Derrida, De la grammatologie, éd. de Minuit, 1967, p. 208.)
Suppléer ne signifie pas combler. Le « mouvement du jeu, permis par le manque, l’absence de centre ou d’origine, est le mouvement de la supplémentarité. On ne peut déterminer le centre et épuiser la totalisation parce que le signe qui remplace le centre, qui le supplée, qui en tient lieu en son absence, ce signe s’ajoute, vient en sus, en supplément ». (Jacques Derrida, “La structure, le signe et le jeu” in L’écriture et la différence, éd du Seuil, 1967, p. 423.)
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